LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI
Weytk.
Bonjour.
Merci, Kukpi7 Casimir, et merci à tous ceux qui sont ici aujourd’hui de m’accueillir à Tk’emlúps te Secwe̓pemc. Merci aux aînés. Merci aux enfants qui viennent de chanter pour nous et qui nous ont inspirés. Merci à vous tous qui êtes venus aujourd’hui.
Merci à la chef nationale Archibald, au chef régional Teegee et au chef Christian, ainsi qu’à tous les autres dirigeants qui sont ici cet après-midi. Je suis heureux de vous voir.
Je suis désolé de ne pas être venu ici le 30 septembre. C’était une erreur, et je comprends qu’elle a rendu encore plus difficile une journée qui l’était déjà beaucoup.
Vous n’étiez pas obligés de m’inviter à nouveau. Je le sais, mais je vous remercie de l’avoir fait.
Je suis honoré d’être avec vous en ce moment.
Merci pour votre accueil aujourd’hui.
Aux survivants qui ont raconté leurs histoires puissantes, touchantes, déchirantes, je vous ai entendus. Aux familles, à cette communauté, je suis à l’écoute de ce qu’on doit faire pour réparer nos torts en tant que pays.
Plus tôt aujourd’hui, je suis allé avec Kukpi7 Casimir me recueillir sur le site des sépultures des enfants disparus, le estcwéý.
Aucun enfant n’aurait dû être arraché à son foyer et forcé d’intégrer le système des pensionnats.
Aucun enfant n’aurait dû se faire enseigner que sa langue, sa culture et son identité n’avaient aucune valeur.
Le fait que ce soit arrivé à vos enfants est inacceptable.
Le fait que vous et vos familles ayez dû subir de telles horreurs est inexcusable.
Je vous entends lorsque vous dites que la voie à suivre passe par les gestes, et non seulement par les paroles.
Vous nous rappelez que la route vers la guérison devient possible lorsque les responsables, lorsque le Canada, posent des gestes concrets pour faire amende honorable.
Nous allons travailler avec vous pour répondre aux besoins que votre communauté a exprimés, qu’il s’agisse de financer le centre de guérison, de travailler avec vous pour créer une loge des aînés, de continuer à trouver des réponses et des conclusions, ainsi que de faire en sorte qu’une commémoration adéquate soit mise en place pour aider la communauté et tant d’autres personnes à faire leur deuil et à guérir.
Et partout au pays, nous continuerons d’avancer sur le chemin commun de la vérité et de la réconciliation, parce que ce qu’on m’a dit ici, ce que m’ont dit tant d’autres personnes, c’est qu’il s’agit d’un fardeau que les Premières Nations, les Métis et les Inuits n’ont pas à porter seuls.
C’est la vérité concernant ce qui vous est arrivé. Mais cette histoire n’est pas seulement la vôtre. C’est l’histoire du Canada. C’est notre histoire à tous, et c’est notre responsabilité à tous de savoir, d’apprendre, de comprendre et d’aller de l’avant ensemble.
Comme je l’ai dit plus tôt, à la même époque où les responsables de ce pensionnat sur la colline et des centaines d’autres au pays enseignaient aux enfants qu’ils n’avaient aucune valeur parce qu’ils étaient autochtones, que leur langue et leur culture n’avaient aucune importance et qu’eux-mêmes ne valaient rien, toutes les autres écoles de ce pays enseignaient la même chose aux écoliers non autochtones.
Voilà comment le racisme systémique naît et persiste. Il y a des générations, partout au pays, l’intolérance, le racisme et la mentalité coloniale étaient présents dans les écoles, contribuant à la mise en place de systèmes, d’institutions et d’un pays où la vie des Autochtones, les enfants autochtones et les peuples autochtones se voyaient attribuer une importance moindre. Non pas activement dans le cœur de chaque personne, mais par le biais de systèmes et d’habitudes de gouvernance et de leadership, et à travers des institutions qui ne comprennent et ne respectent pas les valeurs et les traditions qui ont forgé cette identité incroyablement forte que nous célébrons aujourd’hui – que vous célébrez et partagez avec nous.
Ces femmes fortes de la Nation Secwe̓pemc, quatre générations venues témoigner de leur vérité afin de remettre en question la situation et d’exiger qu’on l’améliore. Afin de reconnaître la perte subie non seulement à cause de l’agression des pensionnats, des traumatismes transmis d’une génération à l’autre, de l’affaiblissement des langues et des cultures, et de la rupture de chaînes qui s’étendaient sur des dizaines de milliers d’années, formées d’aînés qui enseignaient aux générations suivantes, ajoutant ainsi à la somme des connaissances et à la compréhension.
Mais également la perte subie à cause de la disparition de la capacité même d’être parent, de manifester son amour à un enfant; une capacité si fondamentale que les pensionnats ont arrachée à cette communauté, à des communautés de partout au pays, et qui a affaibli l’ensemble du Canada.
Pensez un instant à quel point ce pays, et chacun de nous qui vivons dans ce pays – Autochtones comme non autochtones – aurions pu être plus forts si les non-Autochtones avaient pu apprendre à vos côtés les connaissances liées à ce territoire, issues d’innombrables étés et hivers de découvertes et de compréhension. Imaginez l’intendance que nous pourrions exercer comme pays sans la mentalité coloniale erronée, l’idéologie raciste et le génocide culturel qui ont essayé très fort de nous enlever tout cela; non seulement à vous, mais également à nous.
En 2015, comme l’a fait remarquer le chef Christian, j’ai pris l’engagement juste ici, sur cette route, d’entreprendre une véritable réconciliation.
J’ai répété cet engagement quelques mois plus tard. Et je crois que nous avons tous pensé que nous serions capables d’agir rapidement. Que nous serions capables de défaire – rapidement – des décennies, des générations, voire des siècles d’inertie institutionnelle.
Des progrès ont été réalisés. Des gestes ont été posés. Je sais que mes amis ici, sur cette tribune, le savent très bien, sauf qu’il n’y en a vraiment pas eu suffisamment.
Oui, nous avons avancé. Nous reconnaissons et sommes en train de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Oui, nous avons progressé en adoptant une loi historique sur la protection et la revitalisation des langues autochtones.
Et M. Ron Ignace (Ph. D.), qui parle le shuswap, est le premier commissaire aux langues autochtones du Canada. Ce sont des progrès, ce sont des gestes, mais il reste du travail à faire.
Oui, au cours des trois dernières années, on a élaboré des mesures législatives sur les services à l’enfance et à la famille pour éviter que des enfants vulnérables soient retirés de leurs communautés, puis placés en famille d’accueil au risque de perdre leurs langues. Et c’est avec un plaisir sans nom que, lorsque je suis allé dans la Première Nation de Cowessess il y a quelques mois, on a pu signer le premier accord de coordination sur les services à l’enfance et à la famille permettant de retirer les enfants du système provincial de la Saskatchewan pour qu’ils restent dans la communauté de Cowessess.
Et on ne va pas s’arrêter là.
Le gouvernement fédéral a remis au Centre national pour la vérité et la réconciliation de Winnipeg tous ses dossiers afférents aux pensionnats autochtones.
Dans le cas du pensionnat autochtone de Kamloops, par exemple, on avait des dossiers partiels ou complets remontant à la fin des années 1800. Cela équivaut à tous les dossiers, sauf ceux des deux premières années du pensionnat. Et s’il y en a d’autres, on va faire le nécessaire pour les trouver. Et si d’autres organisations en ont, comme l’Église, on va rester solidaires de vous et obtenir cette information.
Parce qu’on ne peut parvenir à la réconciliation sans connaître la vérité.
On a du travail à faire. Et, oui, le gouvernement a beaucoup de travail devant lui. Quand on souligne tout le travail que vous avez fait, on ne dit pas qu’on ne peut plus en faire. On a du rattrapage à faire pour arriver à votre niveau d’accomplissement.
Et je m’en fais une mission personnelle.
Mais n’oublions pas que ce qui a pris des générations et des siècles à briser ne pourra se réparer du jour au lendemain – pas si on veut des résultats à long terme.
Pas si on veut répondre au défi et à la promesse d’Ashley, celle d’offrir un avenir meilleur à sa fille, de prendre appui sur la force de sa grand-mère et de sa mère pour avoir un avenir meilleur.
Et cette responsabilité revient à tout le monde au pays. La population canadienne au grand complet en a pris conscience après avoir constaté le leadership qui existe ici même à Tk’emlúps – après la découverte, en mai, de 215 enfants autochtones enterrés en haut de la côte.
C’est la nature même du Canada, et cela a vraiment choqué beaucoup de personnes non autochtones au Canada.
On adore raconter à quel point notre pays est extraordinaire, ouvert et tolérant.
Avec un sourire satisfait, on se compare à ce qu’on entend des États-Unis et on dit : « Eh que le Canada est extraordinaire et ouvert! ».
Mais je pense que les événements des derniers mois ont ouvert les yeux de bien des Canadiens sur la réalité.
C’est facile d’être scandalisé, de se mettre en colère et de dire que les choses doivent changer, qu’on doit arranger tout ça et que quelqu’un doit agir.
Le gouvernement fédéral doit agir, et agir encore plus, mais il revient à toute la population de ce pays de le faire, et non pas seulement aux peuples autochtones au pays.
Cela revient aux écoles et universités non autochtones, aux ordres de gouvernement du municipal au fédéral, en passant par le provincial, à nos artistes, nos musiciens, nos rêveurs, à nos gens d’affaires, à nos banques, à nos profs, aux mamans et aux papas.
Tout le monde au pays a un rôle à jouer dans la réconciliation, ce qui ne veut pas dire que tout le monde doit agir parfaitement en tout temps. Dieu sait qu’on fera des erreurs au fur et à mesure qu’on avancera – mais on doit continuer d’avancer.
Et ne nous décourageons pas en disant que, parce qu’il reste des avis d’ébullition d’eau au pays, rien n’a été fait.
C’est un exemple qui saisit, mais on entend tout le temps que ce gouvernement n’a pas réussi à éliminer tous les avis d’ébullition d’eau dans ce pays.
C’est vrai, on s’était donné comme objectif de le faire en cinq ans. Et quand on est arrivés en fonction en 2015, il y avait 109 ou 105 avis d’ébullition d’eau à long terme.
Nous avons maintenant levé 118 avis d’ébullition de l’eau à long terme. Il en reste une cinquantaine. Mais, pour la toute première fois, un plan d’action a été mis en place, un responsable de projet a été désigné et la voie à suivre a été tracée pour chacun de ces 50 avis d’ébullition de l’eau.
Alors que les Autochtones, les leaders et les non-Autochtones nous demandent d’en faire plus pour la réconciliation, gardons à l’esprit qu’il s’agit d’un dossier urgent et que nous devons continuer à y travailler. Mais nous ne pouvons pas laisser des difficultés ou des problèmes plus complexes que prévu nous faire baisser les bras.
Il faut faire preuve d’un leadership qui va durer des années et des générations. Wayne a parlé de mon père et des rencontres qu’il a eues avec lui au début des années 1980. Il y a beaucoup de travail à faire, et je pense aussi à mon père. C’est son anniversaire aujourd’hui, et celui de mon fils de 14 ans aussi. Ils partagent un anniversaire, ce qui est un phénomène courant dans notre famille.
Mais le travail que nous devons accomplir va au-delà de ce que nous devons faire aujourd’hui et demain. Ce que nous avons l’occasion de faire ensemble maintenant, c’est de mettre ce pays sur la bonne voie et de faire le gros du travail, c’est-à-dire concrétiser ces actions, aller de l’avant, bâtir de nouvelles écoles, financer la construction de centres de santé et de pavillons des aînés, et créer des musées et des sites historiques. Voilà le travail que nous devons faire.
Et il n’existe aucune solution magique.
Aucun de nos efforts ne pourra effacer le traumatisme intergénérationnel qui persiste et qui se manifeste de milliers de façons différentes dans tout le pays, d’une communauté à l’autre.
Mais ce que nous faisons ensemble peut améliorer les choses légèrement, puis considérablement et ainsi de suite.
Et, d’ici une génération, les choses seront différentes.
Le XXe siècle et le début du XXIe siècle seront toujours considérés comme une période sombre dans les relations entre les peuples autochtones et les Canadiens.
Mais nous pourrons également citer certaines réussites, car nous pouvons infléchir la courbe et changer la voie de l’avenir.
Pour ce faire, nous devons établir un dialogue honnête et ouvert et nous engager à travailler ensemble et à trouver un terrain d’entente, même s’il y a beaucoup de choses sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Nous devons poursuivre nos efforts. Les paroles ne suffisent pas. Nous devons nous engager à effectuer les tâches difficiles qui nous permettront d’y arriver.
C’est ça que nous devons faire, c’est ça le défi que nous avons en tant que citoyens, en tant que Canadiens – Autochtones et non-Autochtones. Nous avons du travail à faire et nous allons le faire ensemble.
Il n’y a pas de réconciliation sans vérité, et la bonne voie à suivre est la voie qui profite à tous. Je suis prêt à continuer d’écouter et d’apprendre en tant que partenaire dans ce cheminement commun.
Merci de m’avoir invité et, par mon entremise, tous les Canadiens, à parcourir avec vous le chemin de la réconciliation.
Kukwstsétsemc.