LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI
Bonsoir.
J’aimerais d’abord souligner que l’on se trouve sur le territoire ancestral du peuple algonquin, que nous reconnaissons comme les gardiens passés, présents et futurs de cette terre.
Merci, Aînée Commanda, pour ces paroles, votre leadership et vos prières. Et merci de nous avoir réunis ici, aujourd’hui, sur ce magnifique territoire.
Merci à vous, Grand Chef McGregor, pour votre leadership et votre force. Merci de représenter non seulement les dirigeants, mais aussi les jeunes, tandis qu’on porte notre regard sur l’avenir et qu’on prend conscience de notre passé.
Merci, Aînée Céline, pour vos paroles, votre histoire déchirante. Ce n’est pas une histoire facile à raconter. Je salue votre courage. Mais ce n’est pas facile non plus d’entendre que c’est ça l’histoire de notre pays.
À ce moment-ci, on est à cet endroit plein d’histoire pour notre pays. C’est ici que nous célébrons le 1er juillet, et qu’on parle d’un pays de paix, d’ouverture sur le monde, de droits. Mais nous nous devons de nous souvenir aussi que c’est un pays qui a fait de terribles erreurs.
Aînée Levina, vous vous êtes exprimée et avez souligné la présence des oursons en peluche et des souliers vides, et je vous remercie pour votre leadership. Et merci pour cette réflexion; qu’on doit tous – oui, tous – conserver ces récits dans notre cœur et les comprendre non seulement lorsqu’on pense à la réconciliation, mais aussi lorsqu’on pense à ce pays. Ce pays où l’on a tous grandi, ce pays où l’on vit, mais surtout ce pays qu’on choisit de bâtir au quotidien.
Aîné Jimmy Durocher, vous nous avez rappelé que les histoires que l’on raconte au sujet de nous-mêmes, de nos communautés, les histoires qu’on raconte à nos enfants et à nos petits-enfants quand on les borde, le soir, et qui parlent de leur identité, de leurs origines et de leur avenir, sont extrêmement importantes. Et, en ce jour où l’on célèbre, souligne et commémore la journée de demain – la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation –, on ne doit pas seulement réfléchir à ces enfants arrachés à leurs maisons, à leurs communautés, à leurs langues, à leurs cultures, à leurs mamans et à leurs papas, qui n’ont pas pu découvrir qui ils étaient et qui ils auraient pu devenir.
On doit aussi, demain et chaque jour, se souvenir des histoires que l’on raconte au sujet de notre identité, comme peuple qui se partage ce territoire, comme Canadiens, et réfléchir à ces histoires. Tout le monde est capable de raconter qu’on est extraordinaires, qu’on a été des héros à un certain moment ou que nos dirigeants ont fait preuve de courage à d’autres moments. Mais il est plus difficile de réfléchir à la vérité, aux erreurs commises, au mal qu’on a fait dans le passé. Et cette journée, celle de la vérité et de la réconciliation, doit servir à ça. À reconnaître la vérité selon laquelle ce pays, dans le passé, a été responsable de terribles injustices. Cela dit, ce n’est pas juste une question de temps passés. La réconciliation demande que l’on comprenne l’héritage du passé, qu’on nous a rappelé de manière si douloureuse, que tant de Canadiens non autochtones ont découvert avec les fosses humaines trouvées à Kamloops et à Cowessess. Cet état de choc et cet accablement que tant de Canadiens non autochtones ont ressentis lorsqu’ils ont entendu ces nouvelles et vu les images de tombes anonymes d’enfants. Pour les peuples autochtones d’un bout à l’autre du pays, ce fut un coup terriblement dur. Ce ne fut pas une surprise pour eux, car les familles de partout au pays se souviennent trop bien des récits de leurs tantes, de leurs oncles, des membres de la famille retirés de chez eux, de leurs communautés, sans jamais y revenir. Ce fut surtout difficile parce que de vieilles blessures se sont rouvertes. Et ils ont aussi ressenti un soupçon d’espoir que ce chapitre se termine enfin et qu’ils puissent associer des noms et des histoires à ces vies perdues.
Il faut qu’on réfléchisse au fait que la réconciliation, ce n’est pas juste une affaire de regarder le passé et de comprendre les erreurs du passé. C’est de comprendre que ces erreurs nous façonnent encore aujourd’hui. Le racisme systémique qui a coûté la vie à Joyce Echaquan. Les misères, la pauvreté, les défis épouvantables qui vivent encore les communautés autochtones et les personnes autochtones à travers notre pays aujourd’hui à cause d’actions prises il y a des décennies, des générations. C’est ça aussi notre responsabilité en tant que pays.
Et c’est aussi de comprendre que s’il faut considérer la vérité et la réconciliation non pas comme une affaire du passé, mais comme une affaire du présent – avec les injustices, les inégalités, la discrimination et le racisme qui se produisent encore trop souvent dans ce pays chaque jour –, il faut également les percevoir comme un choix qu’on fait pour notre avenir. On condamne les pensionnats de tout le pays, qui ont essayé vraiment fort d’effacer l’Indien dans chaque enfant, d’enlever aux peuples autochtones leurs langues, leurs cultures, mais aussi leurs familles, leur sens de la communauté. Pendant que ces écoles enseignaient aux peuples autochtones qu’ils n’avaient aucune valeur, que leur culture ne valait rien, toutes les autres écoles au pays enseignaient la même chose aux enfants non autochtones. Que les langues, les cultures et l’identité des peuples autochtones n’avaient aucune valeur aux yeux de ce pays.
C’est ça, l’héritage. C’est la vérité qu’on doit mettre en lumière demain, et chaque jour par la suite.
Alors, ne venez pas dire, n’essayez pas d’expliquer que la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est une journée réservée aux Canadiens autochtones. C’est une journée pour toute la population canadienne. C’est pour nous tous. C’est l’histoire de chacun de nous. Parce que si on ne reconnaît pas la vérité, si on ne la comprend pas, si on n’en prend pas conscience et si on ne l’incarne pas chaque jour avec nos gestes, volontairement, en étant conscients de ce que nos paroles et nos choix expriment au quotidien, on n’aura pas compris les leçons du passé, qu’on se doit de reconnaître et dont il faut tirer des enseignements.
Les peuples autochtones dans ce pays ont énormément à nous apprendre : la patience, l’ouverture, la compréhension d’une vision à plus long terme pour s’occuper de cette belle planète. C’est là notre responsabilité envers les générations futures. Mais nous avons aussi à apprendre sur nous-mêmes, en tant que société qui n’a pas laissé de place pour eux, sur cette terre magnifique du Canada qu’ils étaient toujours prêts à partager avec nous tous.
Alors, demain, j’invite toutes les personnes réunies ici ce soir, tous ceux et celles en réflexion à la maison et tout le monde dans son quotidien, à prendre le temps d’écouter les récits des survivants ainsi que les perspectives et les expériences des aînés autochtones dans ce pays. Et à prendre conscience que cette histoire, leur histoire, est la vôtre également. Et tant que le pays tout entier n’aura pas compris que l’ensemble de nos histoires individuelles forme notre histoire collective, on ne pourra pas parvenir à la vérité. Ni à la réconciliation.
Alors, demain et tous les jours, nous allons réfléchir à la manière dont chacun d’entre nous peut contribuer à un meilleur pays. Et à cette vision partagée d’un monde meilleur par la vérité et la réconciliation.
Merci.
Thank you.
Gilakas’la.
Nakummek.
Mashi cho.
Miigwetch.
Kinanaskomitinow.