Main Content

Ce que je propose de faire en 10 minutes, c’est simplement de dire quelques mots sur la manière dont une puissance moyenne comme le Canada peut faire face à une situation où l’ordre fondé sur des règles s’érode, où les rivalités entre les grandes puissances s’intensifient et où les modèles autoritaires se durcissent.

C’est bien entendu une version simplifiée de ce qui se passe à l’heure actuelle. Et je commencerai par admettre d’emblée que l’ancien système nous a permis de prospérer.

Nous étions en mesure de mettre en œuvre une politique étrangère fondée sur des valeurs et ancrée dans un système commercial multilatéral fondé sur des règles – un système financier mondial ouvert. Nous bénéficions d’une sécurité collective garantie par l’OTAN. Notre situation géographique n’a pas changé, mais les réalités qui l’entourent ont évolué. Nous jouissions d’une situation géographique enviable. Elle nous offrait un accès privilégié à l’économie la plus importante et la plus dynamique du monde, tout en nous permettant de rester loin des principales menaces étatiques et non étatiques. 

De plus, grâce à la collaboration, nous nous attendions à ce que les pays autoritaires non marchands convergent vers le libre marché, les sociétés ouvertes et même les valeurs démocratiques au fil du temps.

Alors, pour un pays doté d’une politique étrangère fondée sur des valeurs, l’espoir de progrès justifiait notre collaboration avec ces pays. En fait, cette collaboration a contribué à la réalisation de progrès dans ces pays, et l’alignement des valeurs a simplement été retardé, sans toutefois être compromis. 

Certaines choses ont donc changé, et il est évident que cette convergence des valeurs s’est avérée difficile.

La stratégie économique des États-Unis a clairement évolué, passant du soutien au système multilatéral à une approche plus transactionnelle et structurée en matière de commerce bilatéral et d’investissement. 

Une réorganisation des pouvoirs mondiaux est en cours. On peut débattre de l’ampleur et de la portée de cette évolution, qui va de l’hégémonie américaine à la rivalité entre grandes puissances, mais il reste que les progrès technologiques réduisent l’avantage géographique dont nous disposions et étendent les zones de conflit du virtuel à l’extraterrestre.   

Tout cela réduit l’efficacité de nos institutions multilatérales, de l’OMC à l’ONU, sur lesquelles les puissances moyennes comme le Canada ont largement compté.

Alors, que pouvons-nous faire?

En résumé, nous pensons pouvoir prospérer dans ce nouveau « non-système » ou dans ce système en pleine évolution pour trois raisons. 

Tout d’abord, nous avons ce dont le monde a besoin. Prenons, par exemple, notre secteur de l’énergie. Nous sommes une superpuissance énergétique de plus en plus visible. À l’heure actuelle, 85 % de notre énergie est propre. Nous sommes l’un des plus grands exportateurs mondiaux de gaz naturel liquéfié et nous possédons certaines des plus grandes réserves de pétrole et de gaz. Pour vous donner une idée, nous mesurons les ajouts à notre réseau électrique en tranches de 10 gigawatts. Nous figurons parmi les cinq premiers pays possédant les dix minéraux critiques les plus importants au monde. Au total, 40 % des sociétés minières cotées en bourse dans le monde sont situées au Canada. Nous sommes l’un des principaux développeurs d’intelligence artificielle, ou IA, et nos universités de recherche figurent parmi celles qui produisent le plus grand nombre de personnes de talent en IA, en informatique et en quantique au monde. Malheureusement, la plupart d’entre elles partent aux États-Unis. Mais je crois comprendre que vous êtes en train de modifier votre politique en matière de visas. Nous allons donc pouvoir garder quelques-unes de ces personnes. 

Nous disposons de capitaux. Nos fonds de pension comptent parmi les investisseurs en infrastructures les plus sophistiqués au monde, voire les plus sophistiqués. 

Et nous avons un gouvernement qui a encore la capacité budgétaire pour agir de manière décisive à un moment où les gouvernements doivent le faire. 

La deuxième raison pour laquelle nous avons de bonnes chances de réussir – rien de garanti, mais de bonnes chances –, c’est que nous avons des valeurs auxquelles une bonne partie du monde aspire encore. Pas le monde entier, mais une bonne partie. 

Notre société plurielle fonctionne bien. Nos villes sont parmi celles où il y a la plus grande diversité dans le monde. La place publique est pleine de gens diversifiés qui s’expriment en toute liberté. Par définition, notre fédération nous incite à collaborer et à travailler en partenariat. Et notre pays privilégie encore les mesures durables. 

La troisième raison pour laquelle, selon moi, nous pouvons réussir en ce moment, c’est que nous sommes conscients de ce qui se passe. Ce n’est pas une transition; c’est plutôt un point de bascule. Nous vivons des changements radicaux en peu de temps et en raison d’une variété de facteurs. Et nous sommes déterminés à être à la hauteur de la situation. 

Nous réagissons à cela par les mesures suivantes : nous renforçons notre pays, nous augmentons notre résilience en nous diversifiant sur la scène internationale et nous nous occupons de notre territoire diversifié afin de défendre nos valeurs et nos intérêts. 

Pour ce qui est seulement de la force de notre pays : nous avons réduit l’impôt sur les revenus et les gains en capitaux. Nous avons éliminé tous les obstacles fédéraux au commerce interprovincial. Nous avons adopté des lois sans précédent pour accélérer des centaines de milliards de dollars de projets dans les secteurs de l’énergie, de l’intelligence artificielle, des minéraux critiques et des corridors commerciaux.

Nous allons doubler nos dépenses militaires d’ici 2030. Nos capacités de base en matière de défense, d’intelligence artificielle, d’informatique quantique, de cyberactivités et de minéraux critiques offrent des possibilités uniques de double emploi et de retombées économiques, et nous avons bien l’intention de les saisir. 

Nous diversifions nos relations commerciales et nos partenariats en matière de sécurité. Nous avons signé l’accord le plus détaillé avec l’Union européenne parmi tous ses partenaires non européens : un partenariat économique et de sécurité avec l’Union européenne. 

Nous sommes en voie de devenir membre à part entière de l’initiative Agir pour la sécurité en Europe (SAFE), l’arrangement européen en matière de défense, ce qui nous permettra de diversifier et d’accélérer nos achats militaires. 

Cette semaine, nous avons adhéré à une approche globale avec le Mexique, dans le contexte de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), pour resserrer nos relations commerciales bilatérales. 

Et nous employons des stratégies plus énergiques partout en Asie. 

Mon dernier point concerne notre territoire dont la géographie est diversifiée. Je vais vous donner quelques exemples de nos activités à cet égard. La Coalition des volontaires : nous sommes le plus grand donateur à l’Ukraine par habitant.

Pour ce qui est de notre souveraineté dans l’Arctique, nous coopérons de très près avec les huit pays nordiques et baltes qui forment le NB8 pour notre protection, notre développement économique et la défense du flanc ouest de l’OTAN. De plus, nous déployons des efforts en collaboration avec des intervenants aux vues similaires afin de promouvoir une solution à deux États et la paix au Moyen-Orient. 

Les minéraux critiques sont un autre point important. Comme pays du G7, nous formons des clubs d’acheteurs de minéraux critiques pour que les pays du monde puissent délaisser la dominance chinoise et se diversifier. Ce n’est pas qu’une question d’approvisionnement, c’est aussi d’offrir un accès sûr pour la vente, pour développer le marché des minéraux critiques.    

Le Canada est à la présidence du G7 cette année, et je suis arrivé au gouvernement six semaines avant le Sommet. Nous n’avions pas Mike Froman. Nous avions un très bon sherpa, mais pas Mike Froman, alors nous avions beaucoup de pain sur la planche. C’était très intéressant, et cela va dans le sens de mon point concernant le territoire diversifié. Nous avions deux journées et, le premier jour, les pays du G7 ont abordé une variété d’enjeux.

Le président Trump était là et nous avons eu de bonnes rencontres. Nous avons fait des progrès. Nous n’avons pas obtenu tous les résultats voulus, mais c’est rarement le cas de toute manière. 

Nos rencontres ont en grande partie porté sur l’économie, et aussi sur l’Iran. Le lendemain, avec les dirigeants de la plupart des pays BRICS – certaines des plus grandes économies émergentes – et l’Australie, nous avons surtout parlé de ce que nous appellerions ici l’ancien multilatéralisme : la coopération en matière d’énergie dans le monde, la mise en valeur réelle des minéraux critiques, le financement pour le développement, le déroulement de la COP. 

Cela ne veut pas dire que c’est ainsi que fonctionne le monde. Je ne suis pas naïf à ce sujet. Mais bon nombre de pays se préoccupent de ces questions. Le Canada est de ceux-là, et nous continuerons à le faire, car cela fait partie de nos forces.

Je vous invite à voir le Canada comme une nation forte, souveraine et indépendante.

Le Canada a toutefois une grande chance à saisir dans ce contexte de changement. Nous comprenons ce qui se passe. Nous comprenons l’ampleur des mesures à prendre. Nous disposons des ressources dont le monde a besoin. Nous avons le talent nécessaire pour transformer ce potentiel en croissance. Le Canada est un partenaire fiable. Nous sommes plus interconnectés que quiconque grâce à nos relations commerciales avec toutes les régions du monde.

Et nous ne comptons plus uniquement sur la force de nos valeurs, mais aussi sur la valeur de notre force, avec votre aide.

Merci beaucoup.