LA VERSION PRONONCÉE FAIT FOI
Bonjour.
Merci, chef Gordon Bluesky, d’avoir si bien démarré ces commémorations.
Comme c’est notre cas aujourd'hui, la vie rassemble parfois les gens juste au bon moment.
Ma première activité officielle en compagnie de Murray en est certainement un bon exemple.
C’était il y a neuf ans, et ça faisait peut-être un mois que j’occupais le poste de premier ministre, très conscient du poids des responsabilités que les Canadiens venaient de me confier, surtout que cette première rencontre avait lieu dans le cadre d’une journée lourde de conséquences pour notre pays : le dépôt du rapport de la Commission de vérité et réconciliation que Murray avait piloté.
C’était le point culminant de nombreuses années d’un travail ardu. À revivre les traumatismes. À exiger des actions. À tracer une nouvelle voie, une meilleure voie à suivre.
Murray et moi avons discuté ce jour-là, et notre conversation a été franche, sérieuse et éclairante.
La première d’une longue série de conversations qu’on allait avoir au fil des ans.
Une discussion avec Murray, c’était toujours un moment exceptionnel, et pas juste grâce à sa sagesse inouïe, mais aussi grâce à sa patience.
Avant de tirer ses conclusions, il écoutait toutes les voix, toutes les opinions, toujours avec patience et ouverture.
Murray écoutait toujours attentivement, même quand il n’était pas d’accord, et il le faisait avec ce sourire qui le caractérisait.
Un sourire que j’allais avoir l’occasion de bien connaître au fil de nos très nombreuses rencontres et discussions.
Un sourire qui apparaissait chaque fois qu’il me montrait délicatement, mais fermement, un point où j’étais peut-être dans l’erreur, qu’il soulevait un élément auquel je n’avais pas pensé, alors que j’aurais dû.
Ou qu’en vrai pédagogue, il m’encourageait à travailler encore un peu sur la solution que je proposais. Mais toujours avec ce sourire.
Avec les années, il est devenu pour moi un enseignant avisé, un confident de confiance, un aîné éclairé et, par‑dessus tout, un ami qui me poussait à toujours faire mieux.
Mais ce sourire; ce sourire est toujours resté gravé dans mon esprit. Parce qu’il caractérisait l’homme qu’il était.
Murray a grandi à une époque où régnait une profonde injustice. Ce n’est que lorsqu’il avait neuf ans que les membres des Premières Nations ont été autorisés à voter sans perdre leur statut. Il avait 46 ans quand le dernier pensionnat a fermé ses portes.
Il a été témoin de la discrimination systémique dont les peuples autochtones étaient victimes aux mains des forces de l’ordre dans son Manitoba natal et partout au Canada.
Il aurait facilement pu dire que notre pays était irréformable, ou que la lutte n’en valait pas la peine.
Mais Murray n’était tout simplement pas comme ça.
Éternel optimiste, il avait foi en les gens. Il croyait que malgré le dur travail à accomplir et les conversations difficiles à tenir, il était possible de transformer les cœurs et les esprits.
Par-dessus tout, il avait une conviction qui résonnait profondément en moi, en tant qu’ancien enseignant. Il disait : « c’est l’éducation qui nous a mis dans ce pétrin, et c’est l’éducation qui va nous en sortir. »
Il croyait que la clé pour bâtir un avenir meilleur passait par l’éducation – par nos jeunes, d’un océan à l’autre.
Il comprenait que changer les choses, ça n’arrive pas en claquant des doigts.
Il savait que la seule façon de progresser, c’est d’aller à la rencontre des gens là où ils en sont et de les amener avec soi.
De les encourager à ouvrir leur esprit, à réfléchir de manière critique et à se poser des questions difficiles sur notre identité.
Voilà ce que pensait Murray. Voilà qui était Murray.
Même si Murray nous a quittés pour le monde des esprits, sa chaleur, sa générosité, son optimisme et son sourire sont bien présents parmi nous aujourd'hui.
Murray nous a mobilisés, comme il a mobilisé le pays au complet grâce à une compréhension franche et véritable non seulement de notre histoire, mais aussi du chemin vers la réconciliation sur lequel on s’est tous engagés.
Avec sa persévérance, sa foi inébranlable dans le progrès et sa fierté d’incarner qui il était – un Anishinaabe et un Manitobain – Murray a changé notre pays pour le mieux.
En 73 ans, Murray a transformé le Canada.
Grâce à lui, nous avons pris conscience de notre passé et des injustices qui persistent.
Nous célébrons l’histoire et les cultures autochtones comme jamais auparavant, et nous nous sommes ouverts aux changements – aux vrais changements. Aux changements profonds et parfois douloureux que nous devons tous entamer.
Comme je l’ai dit au début, la vie a le don de rassembler des gens juste au bon moment.
Durant cette première rencontre et les nombreuses autres qui ont suivi, durant nos nombreuses conversations profondes et importantes, mais aussi agréables et légères, il m’a toujours fait comprendre que la réconciliation, ce n’est pas le fait de cocher 94 cases.
C’est un processus permanent, continuel, et profondément ambitieux.
Murray nous a donné le plan, les fondations, et les outils nécessaires pour concrétiser la réconciliation.
C’est maintenant au tour de chacun de nous – gouvernements, peuples autochtones et personnes non autochtones – de poursuivre la tâche à l’aide de tout ce qu’il nous a légué.
Merci beaucoup, Murray. Merci à tous d’honorer sa mémoire aujourd'hui.