Transcription - Réinvestir pour rebâtir et réarmer les Forces armées canadiennes
Réinvestir pour rebâtir et réarmer les Forces armées canadiennes
C’est un plaisir. Il n’y a pas de meilleur endroit pour faire cette annonce, pour avoir cette discussion qu’à l’École Munk. C’est un véritable plaisir d’être ici. Vous savez, au cours des deux dernières décennies, cet établissement; son corps professoral, ses étudiants et ses diplômés ont contribué à façonner les politiques intérieures du Canada, nos stratégies géopolitiques et, bien sûr, au-delà de nos frontières également. Nous tenions à faire cette annonce ici, parce que la demande pour vos points de vue ici, à l’École Munk, n’a jamais été aussi forte qu’à ce moment charnière de notre histoire. Des menaces émanant d’un monde devenu plus dangereux et divisé ébranlent l’ordre international fondé sur des règles. Un ordre qui remontait aux accords conclus à la fin de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide, un ordre auquel le Canada adhérait déjà avant même notre naissance. Ces développements entraînent de lourdes conséquences, mais nous avons notre mot à dire. Nous pouvons agir sur la suite des choses. Le Canada peut chercher à établir une nouvelle série de partenariats internationaux plus sûrs, plus prospères, plus justes et plus libres. Nous pouvons resserrer nos alliances avec les démocraties stables qui partagent nos intérêts, nos valeurs, nos principes et notre histoire. Et nous pouvons contribuer à l’avènement d’une nouvelle ère d’intégration entre partenaires ayant des vues semblables; une ère qui valorise le soutien mutuel plutôt que la dépendance mutuelle; un nouveau système de coopération qui favorise une meilleure résilience plutôt que la simple efficience.
Nous pouvons bien aspirer à un monde comme celui-là, mais si nous ne faisons qu’y aspirer sans y mettre les efforts, ce n’est qu’un beau discours. Si nous voulons un monde meilleur, nous devrons faire des choix difficiles et travailler plus fort qu’on l’a fait depuis des décennies. Le gouvernement doit commencer à remplir son rôle le plus fondamental, qui est de défendre les Canadiens et les Canadiennes. Et l’objectif premier de mon allocution d’aujourd’hui portera sur la nature et l’ampleur de ce que cela demandera en cette nouvelle époque. Mais avant tout, permettez-moi de souligner qu’une véritable sécurité est impossible sans prospérité économique. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles le nouveau gouvernement du Canada investit, et continuera de consacrer autant d’énergie à la transformation de notre économie pour en faire la plus solide du G7. Pour y arriver, nous allons devoir doubler le rythme de la construction de logements, créer une seule économie canadienne plutôt que 13, réaliser notre plein potentiel de superpuissance énergétique, concrétiser une série de projets d’intérêt national et diversifier nos relations commerciales internationales avec des partenaires de confiance. Aucun de ces objectifs ne sera atteint facilement ou rapidement. Chacun d’eux demandera de l’ambition, de la collaboration et, disons-le, des sacrifices de temps à autre. Dans un monde plus sombre et plus axé sur la concurrence, le rôle de chef de file du Canada sera défini non seulement par la force de nos valeurs, mais aussi par la valeur de notre force. Un Canada plus confiant et uni peut contribuer à transformer cette époque de désordre en une ère de prospérité pour tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. Et pour dire les choses simplement, si nous voulons un monde plus fiable, il nous faut un Canada plus fort. Si le Canada a atteint l’âge adulte à la crête de Vimy, il a gagné en maturité dans les décennies qui ont suivi le jour J.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le Canada a affirmé son indépendance. Nous avons forgé notre propre identité et de nouvelles alliances. De plus en plus, nous nous sommes éloignés du Royaume-Uni et nous nous sommes rapprochés des États-Unis. Nous sommes restés aux côtés des Américains tout au long de la guerre froide et lors des décennies suivantes, alors que les États-Unis ont joué un rôle prédominant sur l’échiquier mondial. Aujourd’hui, cette prédominance est chose du passé.
Avec la chute du mur de Berlin, les États-Unis sont devenus la seule puissance hégémonique dans le monde. La force d’attraction qu’ils exerçaient sur le Canada, qui avait toujours été forte, est devenue pratiquement irrésistible et a fait des États-Unis notre plus proche allié et notre principal partenaire commercial. Aujourd’hui, cependant, les États-Unis ont commencé à monétiser leur hégémonie en facturant l’accès à leurs marchés et en réduisant leurs contributions relatives à notre sécurité collective. Au même moment, dans le monde, les routes commerciales, les allégeances, les systèmes énergétiques et l’intelligence elle-même sont en train d’être redéfinis. De grandes puissances émergentes sont maintenant en concurrence stratégique avec les États-Unis. Un nouvel impérialisme nous menace. Les puissances moyennes doivent concurrencer pour leurs intérêts et pour l’attention, sachant que si elles ne sont pas à la table, elles seront au menu. En effet, les menaces qui visent le Canada se multiplient. Des puissances hostiles, y compris des gouvernements et des acteurs non étatiques étrangers, transcendent la géographie pour menacer notre souveraineté. Des entités terroristes ont acquis de nouvelles capacités et étendu leur portée à un point tel qu’ils ébranlent la sécurité mondiale et mettent nos communautés en danger. Des cyberattaques venues de l’autre bout du monde peuvent nuire à notre gouvernement, pousser nos entreprises à la faillite et paralyser nos infrastructures.
En plus de leurs capacités en ce qui a trait à la cybersécurité, les capacités militaires traditionnelles d’États comme la Chine et la Russie sont elles aussi en croissance. Malheureusement, nous ne pouvons plus compter sur notre situation géographique pour protéger les Canadiens et Canadiennes face à ces menaces.
L’argument de longue date voulant que l’emplacement géographique du Canada nous protège devient de plus en plus désuet. Des menaces qui semblaient lointaines et vagues sont maintenant proches et concrètes. Et avec les changements climatiques et la fonte des glaces polaires, l’Arctique canadien devient plus accessible et plus vulnérable aux activités commerciales et militaires. De nouvelles menaces qui pèsent sur notre sécurité et notre souveraineté nous ont soudainement ouvert les yeux, entre autres de la part d’une Russie plus audacieuse et d’une Chine plus affirmée. L’invasion barbare de l’Ukraine par la Russie est venue anéantir ce que nous avions auparavant tenu pour acquis concernant la sécurité européenne après la guerre froide, ce qui a provoqué de vives remises en question des coûts de la responsabilité collective et mis en évidence à quel point le droit international, la souveraineté, l’intégrité territoriale et les droits de la personne sont à la fois précieux et précaires. Ne pas tenir compte de ces principes reviendrait à trahir nos valeurs et mettrait notre nation en péril. Lorsque nous intervenons pour défendre l’intégrité territoriale, que ce soit en Ukraine ou en Cisjordanie et à Gaza, nous défendons également l’intégrité territoriale de l’Arctique canadien. Il y a dix ans, les dépenses militaires du Canada étaient tombées sous la barre du 1 % du PIB. Depuis, elles ont doublé en termes d’argent, mais pas suffisamment pour faire face à cette multiplication des risques. Les courageux hommes et femmes qui protègent notre souveraineté n’ont pas les ressources dont ils ont besoin dans un monde plus dangereux. Nos infrastructures et notre équipement militaires ont vieilli, ce qui nuit à la disponibilité opérationnelle de nos militaires. Je vais vous présenter un ou deux exemples. Sur quatre sous-marins, un seulement est apte à prendre la mer. Moins de la moitié de notre flotte de navires et de véhicules terrestres est fonctionnelle. De manière générale, nous sommes trop dépendants des États-Unis.
Par conséquent, pour toutes ces raisons, j’annonce aujourd’hui que le Canada atteindra dès cette année la cible de 2 % de l’OTAN, une demi-décennie plus tôt que prévu. Et nous allons accélérer encore davantage nos investissements dans les prochaines années, en fonction de ces nouveaux impératifs de sécurité. Nous allons d’abord transformer la façon dont nous soutenons et finançons nos forces armées. Nous allons transformer la façon dont nous armons les hommes et les femmes qui servent notre pays pour que nous puissions combattre sur de nouveaux champs de bataille en territoire inconnu, pour que nous puissions défendre chaque pouce de notre territoire souverain, du plancher océanique jusqu’à l’Arctique en passant par le cyberespace, pour que nous puissions protéger les Canadiens et Canadiennes, ainsi que nos intérêts et nos alliés. Le nouveau gouvernement du Canada entend réinvestir pour rebâtir et réarmer les Forces armées canadiennes au moyen d’une stratégie qui repose sur quatre piliers. Premièrement, nous allons investir dans ce qui constitue le socle de la défense, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui servent notre pays, ainsi que dans l’équipement et les infrastructures dont ils se servent. Deuxièmement, nous allons accroître et élargir nos capacités militaires. Troisièmement, nous allons renforcer l’industrie canadienne de la défense et diversifier les partenariats de défense du Canada. J’appelle tous les partis du Parlement à appuyer ces investissements cruciaux dans notre sécurité et notre souveraineté. Notre plan contribuera à faire en sorte que le Canada soit fort chez lui et fiable à l’étranger. Nous veillerons à ce que chaque dollar soit investi judicieusement, notamment en priorisant les produits fabriqués ici et les chaînes d’approvisionnement canadiennes. Il ne faudrait plus que les trois quarts des dépenses en capital dans le secteur de la défense soient réalisées aux États-Unis. Nous investirons dans de nouveaux sous-marins, aéronefs, navires, véhicules blindés et matériel d’artillerie, et ferons l’acquisition de nouveaux radars, drones et capteurs pour surveiller le plancher océanique et l’Arctique.
Nous allons réparer et entretenir les navires, les aéronefs et les infrastructures que, pour trop longtemps, nous avons laissés se dégrader. Nous allons investir dans les technologies satellites afin de détecter et prévenir les menaces pour le Canada ainsi que nos alliés.
Nous assurerons la protection du Nord canadien grâce à une présence accrue des Forces armées canadiennes toute l’année sur terre, en mer et dans le ciel. Nous allons élargir le mandat de sécurité de la Garde côtière canadienne et l’intégrer à nos capacités de défense nationales afin de mieux assurer notre souveraineté et d’étendre notre surveillance maritime. Dans le cadre de notre nouvelle approche stratégique en matière de défense et de sécurité, nous allons aussi mettre sur pied BOREALIS, un bureau axé sur la recherche, l’ingénierie et le leadership avancé. BOREALIS fera progresser la recherche de pointe dans les domaines de l’intelligence artificielle, de l’informatique quantique et d’autres technologies d’avant-garde essentielles à la sauvegarde de notre souveraineté.
Nous allons pallier le manque de personnel dans les Forces armées canadiennes en modernisant le processus de recrutement, en bâtissant de nouveaux logements sur nos bases militaires, et en améliorant l’accès aux soins de santé et aux services de garde. Nous allons donner à chaque membre de nos forces armées une augmentation salariale bien méritée qui contribuera aussi au recrutement et à la rétention du personnel. En ce moment même, les Forces armées canadiennes luttent contre les feux de forêt pour protéger leurs compatriotes et leurs communautés et défendre nos côtes et nos eaux. Elles patrouillent l’Arctique et soutiennent nos alliés aux frontières de la Russie. Elles le font dans des conditions difficiles et trop sont souvent avec de l’équipement inadéquat. Elles méritent mieux et elles auront mieux.
En parallèle, nous nous employons à renforcer la sécurité transatlantique, particulièrement en adhérant au plan ReArm Europe. Cette adhésion va nous aider à diversifier nos fournisseurs militaires auprès de partenaires européens fiables ainsi qu’à assurer l’intégration pleine et entière de l’industrie canadienne de la défense parmi les participants au programme de réarmement de l’Europe, doté de 150 milliards de livres. Ainsi, le Sommet Canada-UE qui se tiendra plus tard ce mois-ci sera plus important que jamais, et le Canada se présentera à ce sommet avec un plan pour jouer un rôle de chef de file, avec de nouveaux investissements pour développer notre force au service de nos valeurs. Cela comprendra notre appui au nouvel engagement en faveur de l’expansion de la capacité industrielle de l’OTAN, qui sera négocié lors du Sommet de l’OTAN. Cet engagement sur la capacité industrielle de défense vise à la fois les ressources et les infrastructures qui appuient nos objectifs de défense. Le Canada est convaincu que sa stratégie économique et ses nombreuses ressources stratégiques, des minéraux critiques à la cybernétique, apporteront une contribution majeure à la sécurité de l’OTAN. Nous appuierons les engagements concrets pris par nos alliés afin de donner à l’OTAN la détermination nécessaire pour dissuader les agressions et se protéger contre tous les adversaires dans tous les domaines. Notre objectif fondamental dans tout cela est de protéger les Canadiens, et non de satisfaire les comptes de l’OTAN.
Ce qui va assurer notre sécurité et celle de tous les citoyens des pays de membres de l’OTAN, ce sont des progrès tangibles et non un calcul mathématique. C’est l’approche que le Canada va préconiser et celle que nous présenterons à nos alliés de l’OTAN plus tard ce mois-ci.
Nous allons entreprendre cette transformation de nos forces militaires de manière stratégique, délibérée et efficace. Le ministère de la Défense nationale du Canada entreprendra immédiatement la conception d’une nouvelle politique de défense adaptée aux menaces d’aujourd’hui et de demain, guidé par des experts, dont certains sont dans cette salle, et par l’expérience d’alliés et de partenaires, comme l’Ukraine. Nous sommes en voie de créer un nouvel organisme d’approvisionnement en matière de défense qui orientera ses activités en fonction de cette nouvelle stratégie industrielle de défense et qui sera supervisé par le secrétaire d’État chargé de l’approvisionnement en matière de défense. L’organisme d’approvisionnement en matière de défense permettra de centraliser les prises de décisions et d’agir rapidement afin de fournir à nos forces armées l’équipement dont elles ont besoin, au moment où elles en ont besoin. Nous veillerons à ce que les travailleurs et les entreprises du Canada profitent de cette immense intensification de l’approvisionnement en matière de défense, qui prévoit l’obligation d’avoir recours à l’acier canadien, à l’aluminium canadien, aux minéraux critiques canadiens et à la technologie cybernétique canadienne.
Nous allons renforcer nos capacités industrielles et nous donner les outils nécessaires afin de répondre à nos besoins en matière de défense et saisir les opportunités associées. Nous allons investir davantage dans les armes et les munitions canadiennes en plus de celles produites par un éventail d’alliés.
Protéger le Canada ainsi que les Canadiens et Canadiennes contre les menaces croissantes et changeantes tout en bâtissant une économie canadienne plus forte ne sera pas facile. Mais ce sont les impératifs d’un monde devenu plus dangereux. Et comme Sa Majesté le Roi nous l’a rappelé il y a tout juste deux semaines, nos plus grands défis nous offrent d’immenses possibilités de bâtir les forces militaires dont nous avons besoin. Nous pouvons déployer et développer l’innovation canadienne, l’ingéniosité canadienne, l’industrie canadienne. La transformation de nos capacités militaires peut contribuer à la transformation de notre économie. Aujourd’hui, la défense nationale fournit déjà plus de 275 000 emplois directs et indirects à travers le pays, dans plus de 3 000 communautés et dans chaque province et territoire. Notre engagement renouvelé à l’égard de la défense permettra de créer des dizaines de milliers d’autres carrières épanouissantes et bien rémunérées pour les travailleurs canadiens. Il créera d’énormes opportunités pour les entreprises canadiennes dans le secteur de la défense, bien sûr, mais aussi dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement, de la production de matières premières, l’acier et l’aluminium, en passant par les camionneurs et les employés de chemins de fer qui les transportent, jusqu’aux personnes qui transforment ces matériaux en équipement, en armement, en munitions et en véhicules. Il contribuera à stimuler l’innovation dans des secteurs comme l’IA et les technologies quantiques et cybernétiques. Il permettra de protéger le Canada ainsi que nos intérêts et nos alliés à l’étranger. Grâce à cet engagement, le Canada deviendra fort.
Nous allons assurer notre sécurité dans un monde qui a été profondément transformé. Nous allons créer de bonnes carrières et de la prospérité à travers le Canada. Ce faisant, nous allons protéger cette prospérité, protéger notre qualité de vie et protéger notre façon d’être.
Toute l’histoire du Canada est jalonnée de tournants où le sort du monde était en jeu. C’était le cas au début de la Seconde Guerre mondiale comme à la fin de la guerre froide et, chaque fois, le Canada a choisi de répondre à l’appel, de s’affirmer comme pays libre, souverain et ambitieux, et d’être un chef de file sur la voie de la démocratie et de la liberté. Et nous nous trouvons de nouveau à un moment charnière comme ceux-là.
Il est temps pour le Canada de tracer sa propre voie, de s’affirmer sur la scène internationale. Il est temps de défendre nos valeurs avec ceux qui les partagent. Il est temps de partager avec le monde une approche et une vision du destin.
L’heure est venue d’agir avec urgence, force et détermination. Face à un monde de plus en plus dangereux, le Canada veillera à ce que notre pays soit protégé d’un océan à l’autre, tout en créant des emplois mieux rémunérés d’un bout à l’autre du territoire. Le Canada compte diriger avec les valeurs que le monde respecte, les ressources que le monde souhaite avoir, et l’économie la plus forte du G7. Nous allons bâtir un avenir solide, sûr et souverain pour l’ensemble des Canadiens et Canadiennes, et ce, pour toujours. Merci beaucoup.